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Démystifier le crédit dans le secteur agricole en Colombie

Nous avons eu la chance de rencontrer François Dionne, directeur du projet PASAC, ainsi que Jean-Xavier Escot, coordinateur principal des microcrédits et crédits agricoles dans les coopératives partenaires, dans leurs locaux à Bogota. 

Depuis 4 ans, ils mettent en place le projet d'appui au système financier agricole de Colombie (PASAC), initiative du Mouvement Desjardins, Développement international Desjardins (Canada). 

Projet passionnant, retombées conséquentes, lisez le résumé de tout leur travail ci-dessous !

Qu’est-ce que DID ? 

Fondé en 1970 afin de partager avec les pays en développement et en émergence l’expérience et l’expertise du Mouvement Desjardins, Développement international Desjardins (DID) a comme objectif de rendre accessibles aux populations moins favorisées de la planète des services financiers diversifiés, sécuritaires et répondant à leurs besoins. Pionnier dans le déploiement et le développement de la microfinance à travers le monde, DID est aujourd’hui un leader mondial dans ce secteur. Ils sont actuellement présents dans 32 pays à travers des projets qui participent à l’inclusions financière via une assistance technique. 

Quel est l’objectif de PASAC (Projet d'Appui au Système Financier Agricole de Colombie) ?

Ce projet vise à réduire la pauvreté en milieu rural et à promouvoir le développement économique durable dans les milieux ruraux de Colombie. Plus précisément, il contribue au développement du secteur agricole colombien en facilitant l'accès des agriculteurs et agricultrices à trois leviers indispensables à l’accroissement de leur productivité : l’éducation financière, le financement et l’assurance.


Comment aidez-vous plus précisément les deux types de bénéficiaires du programme (les agriculteurs et les institutions financières) ?

Cette initiative vise directement les petits et moyens agriculteurs, hommes et femmes, de même que les institutions financières actives en crédit agricole, dont Coopcentral, Banco Agrario, FINAGRO et diverses institutions de microfinance privées. Les agriculteurs et associations d'agriculteurs reçoivent un appui technique leur permettant d’accroître leur contribution au développement économique et à la sécurité alimentaire du pays, tout en améliorant les conditions de vie de leur famille et de leur communauté. De leur côté, les institutions financières sont outillées afin de mieux répondre aux besoins des agriculteurs et d’optimiser la gestion de leurs processus.

Le gouvernement canadien apporte les ressources financières à ce projet (20 millions de dollars sur 5 ans) alors que DID apporte les ressources techniques et opérationnelles nécessaires. 


 

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Le programme PASAC a beaucoup travaillé sur l’éducation financière des différents acteurs du secteur agricole en Colombie. Comment est-ce que vous avez procédé pour obtenir des résultats concluants ? 

L’éducation financière est très importante et notamment au niveau du financement agricole. Beaucoup de nos travaux ont été ou sont menés dans cet objectif, comme par exemple :

  • Programme basé sur le genre afin d’inclure la femme dans la prise de décision économique au sein de l'entreprise familiale

  • Programme de gestion de crédit agricole afin préparer les producteurs à solliciter un crédit

  • Programme d’attention au client auprès des institutions financières afin que celles-ci « éduquent le client » au niveau de ses responsabilités (qu’est-ce qu’un taux d’intérêt? un cycle de paiement?) le tout dans un langage économique compréhensible par le client


Les programmes sont enseignés dans des classes avec les clients sous forme de cours et d’ateliers, et un suivi ponctuel est mis en place. Afin d’opérer efficacement, DID passe par les institutions financières qui possèdent déjà une base de données clients et qui leur donnent rendez-vous dans un endroit facile à des horaires qui correspondent à la réalité des clients. 

L’approche ? Se mettre dans les souliers du client et lui parler dans son langage, lier son activité productive avec la théorie, faire un lien économique avec leur travail de tous les jours (Comment je peux être plus efficient et économiser de l’argent ? Comment je peux diversifier mon activité pour gagner plus d’argent ?). 

Mais l’éducation financière s’adresse aussi aux institutions financières elles-mêmes. DID outille les institutions financières alliées pour qu’elles offrent davantage d’inclusion financière. Par exemple, avant, les coopératives avaient « peur » du crédit agricole : il a donc fallu leur apprendre des outils pour qu’elles octroient plus de crédits aux bonnes personnes. 

Le nouveau président de BancoAgrario expliquait très justement dans l’un de ses premiers articles qu’un mauvais prêt, c’est aussi pénalisant pour le client (qui n’aura plus jamais accès à du financement) que pour l’institution financière qui perd de l’argent. DID met donc l’accent sur un crédit agricole véritablement personnalisé en fonction des ressources, besoins et risques du client : tout le monde est gagnant.

Vous avez apporté un soutien technique à vos interlocuteurs en adaptant pour eux des produits que vous connaissez bien : crédit agricole, microcrédit rural et crédit associatif. Pouvez-vous nous expliquer les particularités de chacun de ces outils financiers ?

Le crédit agricole est uniquement destiné au producteur agricole. Grâce à notre méthodologie, l’institution financière peut proposer un crédit adapté aux paramètres agricoles du client. Nos ingénieurs agronomes nous ont aidé à développer un algorithme qui prend en compte des paramètres comme le type de culture et le temps de récolte pour que le crédit à l’agriculteur soit personnalisé et efficace. Par exemple, la nature du crédit doit prendre en compte le fait qu’un caféiculteur doit remplacer les arbustes tous les 9 à 11 ans.

Le microcrédit rural est un crédit qui est attribué dans les zones rurales. Il peut être agricole ou non. Il est donc plus large et est défini par la localisation du client. 

Le crédit associatif est un crédit octroyé à une association, à un groupe de personnes qui souhaitent par exemple réaliser un investissement en commun. Ce type de produit représente un grand défi car l’institution financière demande à l’association de présenter une structure établie et des garanties souvent plus difficiles à justifier que pour un individu seul. 

Revenons sur le crédit agricole, il est souvent beaucoup plus risqué (météo, etc.) qu’un crédit à la consommation par exemple. Quels sont alors les taux d’intérêt ? 

Il est vrai que le risque porté par le secteur de l’agriculture engendre des taux d’intérêt plus élevés pour un crédit agricole que pour un crédit à la consommation, cependant ces taux restent moins hauts que ceux que nous pouvons voir pour les microcrédits. Ils tournent autour de 16-17% en Colombie. 

Aussi, avec FINAGRO nous avons beaucoup travaillé pour permettre aux producteurs d’obtenir des taux d’intérêts moins élevés. En effet, FINAGRO propose des fonds aux coopératives à condition que ces dernières s’engagent à prêter à des agriculteurs à un taux plafonné. Et lorsque que ces coopératives n’avaient pas les connaissances nécessaires pour développer un crédit agricole adapté, PASAC intervenait en leur apportant sa méthodologie et ses outils. L’idée ici est de réduire les taux en réduisant non pas les risques météorologiques (sur lesquels nous ne pouvons bien sûr pas jouer) mais les risques d’un crédit non adapté dû à une mauvaise compréhension entre le prêteur et l’agriculteur. Travailler la qualité de crédit permet d’avoir un impact sur le taux d'intérêt et le diminuer. 

L’assurance est également un produit qui pourrait éponger le risque agricole. Ou vous ont menés vos recherches sur le sujet en Colombie ?

Nous nous sommes concentrés sur l’étude de l’assurance-revenu pour stabiliser le prix du café et de l’assurance récolte pour le riz. 

L’assurance récolte pour le riz est un modèle que nous utilisons au Québec. Il s’agit d’un modèle collectif : les producteurs de riz vont souscrire collectivement à une assurance, si les rendements de l’année sont inférieurs à ce qui était prévu chaque producteur reçoit une indemnité. Cependant, ce système est beaucoup plus compliqué à mettre en place en Colombie : les assureurs sont principalement privés et l’assurance n’est pas très culturelle. Ici aussi, des programmes d’éducation financières peuvent jouer un réel impact. 

En ce qui concerne l’assurance-revenu pour le café nous avons juste réalisé une étude de faisabilité avec l’organisation internationale des cafetiers. Une telle assurance est possible en Colombie mais rentrerait en compétition avec le système actuel, nous ne sommes donc pas allés plus loin. 

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Quelles ont été les principales difficultés dans la mise en place de ce projet ? 

On a eu tout d’abord des obstacles opérationnels : la gestion du projet était difficile car on opérait avec beaucoup de personnes sur le terrain (assurer le suivi, la satisfaction des partenaires avec le peu de personnes opérant pour PASAC (30 personnes ndl)). 

Également, des obstacles au niveau institutionnel et politique : le programme dure 5 ans or le roulement des présidents et conseillers à la tête des institutions financières partenaires est beaucoup plus court (1 an). A chaque fois, il fallait revendre le projet, assurer la continuité. Par exemple, au niveau de BancoAgrario, nous avons travaillé avec 3 présidents depuis le début du projet. L’instabilité politique était un véritable défi, ces projets moyen terme ne sont pas prioritaires pour ces dirigeants qui leur préfèrent des projets à court terme avec des résultats rapides et visibles. 

Comment bien leur revendre un tel projet alors ? 

Un élément qui nous a beaucoup aidé est l’aspect communication du projet PASAC. Nous avons beaucoup travaillé à diffuser nos résultats, nous avons maintenu une présence active dans des forums et tables de travail, nous nous sommes rendus visibles (télévision, radio, réseaux sociaux). Cela nous a beaucoup aidé lorsqu’il fallait « revendre le projet ».

Quels sont les principaux succès de PASAC ? 

Incontestablement, nous avons donné de la visibilité et angle sérieux au financement agricole. Nous avons donné de la confiance aux institutions financières dans le secteur agricole, ainsi que de bons outils pour la mise en place de crédits. Nous leur avons appris à parler le langage du producteur agricole !

Il existe des opportunités incroyables en Colombie au niveau agricole, et nous avons participé à leur développement futur. La preuve en est : de plus en plus de grosses banques souhaitent se mettre au crédit agricole ici. 

Au-delà de la confiance que nous avons donnée aux institutions financières, nous avons également augmenté celle des producteurs agricoles, initialement méfiants et réticents aux crédits.

En résumé, PASAC a permis de démystifier le crédit agricole, côté coopératives et côté producteur. 

Le projet PASAC se termine dans un an, quelle est la suite pour cette problématique ? Est-ce que ce projet va faire naître un nouveau ? 

Nous avons travaillé avec les coopératives et institutions financières pour que ce travail continue. Le programme a transformé les coopératives partenaires en experts en financement agricoles. Grâce au suivi que nous avons mis en place avec elles nous nous rendons compte que notre méthodologie fait aujourd’hui véritablement partie de leur ADN. Nous avons toutes les raisons de penser qu’elles continueront à faire un super travail ! Le rôle de formateur auprès d’autres acteurs financiers sera lui repris par FINAGRO afin d’assurer la dynamique. 

En ce qui concerne DID, nous souhaitons développer un projet similaire mais davantage axé sur les femmes et les jeunes, qui représente une grande préoccupation pour Desjardins et le gouvernement du Canada. On travaillerait avec des institutions financières mais également avec des services non financiers (associations de femmes productrices par exemple).

Pour en savoir plus sur Développement International Desjardins - Site Web

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