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UNCDF, le programme des Nations Unies pour l'inclusion financière

A Kampala, nous avons la grande chance de rencontrer François Coupienne, qui travaille pour les Nations Unies dans le cadre de l’UNCDF (United Nations Capital Development Fund). L’UNCDF travaille, avec des institutions privées et gouvernementales, à l’inclusion financière de populations dans plus de 47 pays à travers le monde.

Nous avons échangé avec lui sur les programmes mis en place par les Nations Unies dans le secteur, l’évolution de l’inclusion financière en Afrique, le rôle de la technologie et les immenses possibilités offertes grâce à l’exploitation des données pour le développement des populations. Passionnant ! 

Vidéo de présentation de l'UNCDF / Rapport annuel 2017

Origine de la création de l’UNCDF

L’UNDP est le Programme de Développement des Nations Unies, dont l’UNCDF est une agence « sœur », qui a un mandat spécifique pour travailler avec des acteurs privés. En effet, d’habitude, de telles organisations travaillent plutôt avec les gouvernements. Ce mandat spécifique permet à l’UNCDF de travailler avec des entreprises et de tester des business. François l’a rejointe il y a 6 ans.

L’UNCDF met les financements publics et privés au service des pauvres dans les 47 pays les moins avancés (PMA) du monde. Avec son mandat de capital et ses instruments, l’organisation offre des modèles de financement du " dernier kilomètre " qui débloquent des ressources publiques et privées, en particulier au niveau national, pour réduire la pauvreté et soutenir le développement économique local.

Le but de l’UNCDF est d’aller à la recherche de solutions de financement novatrices qui reposent sur :

  • L’inclusion financière, qui ouvre aux individus, aux ménages et aux petites et moyennes entreprises davantage de possibilités de participer à l’économie locale. L’UNCDF arrive en soutien financier et technique via des programmes d’inclusion financière

  • Le financement du développement local : L’UNCDF conçoit, met à l'essai et teste des mécanismes de financement novateurs qui encouragent les fonds locaux et les marchés financiers nationaux à investir dans les gouvernements et économies locaux pour stimuler la croissance économique, autonomiser les femmes et renforcer leur capacité d'adaptation. Par exemple, dans le cadre d'une initiative conjointe avec ONU-Femmes, nous avons mis au point un indice d'autonomisation économique des femmes, afin d'évaluer la viabilité des projets d'investissement à petite échelle, y compris les entreprises et les projets d'infrastructure du point de vue de l’autonomie économique des femmes.

 

Initialement, l’UNCDF travaillait avec les banques centrales et participait à l’inclusion financière en soutenant les institutions de microfinance. Désormais, l’UNCDF se concentre essentiellement sur la finance digitale. François a évoqué avec nous les possibilités de développement immenses qui en découlent.

Pourquoi l’UNCDF a mis en place de tels programmes ?

Les banques ne sont pas suffisantes, elles sont sur le sommet de la pyramide et ne cherchent pas, pour la plupart, à aller plus bas, à toucher les personnes peu incluses. Equity bank et Standbic (des banques locales) essaient de descendre un peu dans cette pyramide : pour cela, ils sous-traitent à d’autres institutions pour aller toucher une autre population. Ils atteignent ainsi un taux d’inclusion financière autour de 20%. La microfinance est quant à elle un modèle très spécifique, qui permet un taux d’inclusion financière autour de 30%. Mais tout cela reste donc très insuffisant !

En réalité, l’inclusion financière ne va pas être faite par les institutions traditionnelles. D’autres secteurs vont le faire, et notamment les télécoms. En effet, ces derniers ont une base de données énorme, qu’ils exploitent de plus en plus à cet effet. Et si on change facilement d’opérateur télécom, on ne change pas facilement de services financiers, donc grâce à cela, les premiers s’assurent la fidélité de leurs utilisateurs !

L’avenir, selon moi, c’est la finance digitale. Ça permet de toucher les personnes les plus reculées pour un coût minimal. C’est la première fois qu’une approche permet d’avoir un coût presque 0 tout en touchant énormément de personnes.

Quand nous avons commencé le programme, nous avons parié sur le téléphone. Aujourd’hui, banques et IMF se rendent compte de ce changement et essaient d’intégrer cette composante digitale mais dans des structures qui ne sont pas adaptées. Pour les sociétés, avoir une transformation digitale, ça ne se fait pas si facilement.

Aujourd’hui, 45 à 50% de la population ougandaise utilise le mobile money de manière active. Le reste va être intégré par de nouvelles entreprises qui vont apporter des solutions innovantes. Par exemple, M-Kopa propose des panneaux solaires payés au jour le jour de manière digitale. Au bout d’un ou deux ans, la solution lui appartient.

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Quels sont les avantages de la finance digitale ?

En trois mots : accès, traçabilité et sécurité.

  • Accès : la finance digitale permet à un agriculteur dans une zone reculée d’accéder à des services financiers rapidement

  • Traçabilité : la finance digitale génère une base de données incroyable qui nous permet de développer de nouveaux outils à partir de crédit scoring ou de vérifier l’utilisation de l’argent donné à des réfugiés par exemple

  • Sécurité : la finance digitale transforme les billets cachés dans le matelas en une monnaie sécurisée.

C’est pourquoi l’UNCDF a récemment effectué un véritable changement dans son approche. Par rapport à l'accent mis sur la promotion de la microfinance et des finances publiques locales sur la période 2010-2013, l’organisation a modifié son orientation, ses outils et ses approches au cours des quatre dernières année, afin de cibler plus clairement les populations du “last mile”, les PME et les gouvernements locaux. Le graphe ci-dessous compare l’évolution des investissements de l’UNCDF entre 2012-2013 et 2016-2017. Les chiffres montrent une évolution progressive dans la composition des partenaires bénéficiaires de leurs investissements, évolution en accord avec son changement d’approche. Entre 2012 et 2013, plus de 98% des investissements de l’UNCDF ont été versés à des prestataires de services financiers, principalement les institutions de microfinance et les banques commerciales, et aux gouvernements locaux. Bien que ces deux secteurs demeurent partenaires essentiels, les investissements de l’UNCDF se sont accrus de manière significative pour inclure les opérateurs de réseaux mobiles, des entreprises de haute technologie, des fintech, des fournisseurs de services énergétiques et des PME dans les deux secteurs. Ces chiffres illustrent la volonté de l’UNCDF d’accompagner les pays dans de nouveaux domaines financiers, pour faire face à l’évolution des marchés (Source : UNCDF Annual Report 2017)

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Est-ce que l’Ouganda est le seul à se diriger vers cette digitalisation ?

En réalité, mis à part le Kenya qui est très avancé dans les services financiers digitaux, tous les autres pays africains suivent cette tendance de mobile money, bien que les niveaux d’avancement diffèrent.

En Asie, nous voyons d’autres secteurs que les télécoms proposer des services financiers digitaux, c’est très intéressant également. Par exemple, Go-Jek en Indonésie propose des services de finance digital via sa plateforme de transport ou Alibaba en Chine a créé sa plateforme de paiement Alipay qui participe à la création d’une chaîne de valeur dans le milieu agricole. Je suis donc persuadé que l’inclusion financière et la transformation digitale va passer par le secteur privé !

 

Nous avons rencontré Mobicash au Rwanda, qui pense toucher plus de personnes en n’utilisant pas uniquement le téléphone. Qu’en pensez-vous ?

C’est vrai que nous nous posons souvent la question de comment faire lorsqu’il n’y a pas de téléphone ? Même si jusqu’à ce jour c’est le lien le plus inclusif, une partie de la population n’y a toujours pas accès.

On peut utiliser la carte bancaire, mais cela implique une personne avec un lecteur de carte. Et une personne ne peut pas faire une transaction seule, sans agent. Ça n’offre pas le full potentiel du téléphone. L’idée de l’empreinte digitale est bonne, mais il faut tout de même une technologie très importante au départ, il faut un lecteur et des infrastructures d’enregistrement…

 

A l’inverse, acquérir un téléphone est vraiment de moins en moins cher, un individu peut en trouver un à partir de 5 ou 10 dollars. En plus, cela ne nécessite pas d’investissement dans de la technologie puisqu’on utilise la technologie que les gens ont déjà !

Il est donc capital selon moi d’utiliser une solution que la population a déjà apprivoisé dans son quotidien. Cela nous permet d’être efficace, d’aller plus vite ! En effet, nous parlons beaucoup de financial literacy (éducation financière), mais dans notre secteur la digital literacy (éducation digitale) est tout aussi importante et devient pesante si nous proposons des outils qui ne sont pas simples d’utilisation.

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Quel est le programme UNCDF mis en place en Ouganda ?

L’UNCDF a mis en place depuis 2013 le programme « Mobile Money for the Poor », un programme d’inclusion financière via le digital. En commençant en Ouganda, l’UNCDF s’est dit que la grande partie des gens exclus étaient les petits exploitants. Nous avons choisi de les inclure via la mobile money car la plupart des gens ont aujourd’hui accès à un téléphone mais pas aux services financiers.

Mais quelle est notre approche de développement de marché ? L’UNCDF s’est demandée comment elle pouvait travailler avec le gouvernement et le secteur privé pour faire grandir la finance digitale dans le pays. L’indicateur clé de succès est le pourcentage de la population adulte qui utilise le mobile money. Au début du programme, le taux était 24% en Ouganda ; désormais, il s’élève à 45%. Pour réussir cela, l’UNCDF travaille avec l’ensemble des acteurs, privés et publics, ce qui explique le succès de son programme.

Nous travaillons par exemple avec la banque centrale ougandaise pour nous assurer que la réglementation n’est pas trop contraignante. L’UNCDF travaille également avec les gouvernements pour opérer une transition digitale chez eux aussi (paiement des impôts et taxes via le mobile money).

Mais notre facteur clé de succès reste basé sur notre travail avec le secteur privé. Je suis très ouvert à ce travail collectif parce qu’il nous permet d’augmenter les connaissances communes du marché. Quand il y a eu la nouvelle réglementation autorisant les grandes banques de faire de l’agent banking (point de vente de services financiers grâce à un agent), nous les avons aidés pour mettre ça en place. Aussi, nous avons travaillé mais dans la main avec MTN pour mettre en place leur réseau d’agents, établir un maillage efficace a été très complexe, et pour lancer MoCash, grâce à nos données, nous avons pu les conseiller pour proposer des crédits adaptés ! En effet, octroyer un crédit à une personne qui n’a pas de titre de propriété est par exemple est traditionnellement impossible, nous avons donc dû imaginer un nouveau credit scoring à partir de l’historique mobile. De plus, en important un soutien financier aux programmes d'inclusion financière de certaines entreprises privées nous “dérisquons” financièrement l’initiative pour elles, ce qui est bien sûr motivant. Nous essayons de lier leurs objectifs de développement avec les objectifs économiques des entreprises.

Enfin, l’UNCDF se tourne de plus en plus vers l’innovation. Il existe plusieurs incubateurs en Ouganda, mais ces derniers ne sont pas très bien développés et exploités, le secteur est fragmenté et manque de financement. L’organisation souhaite rassembler plusieurs initiatives sous une marque unique afin de structurer le secteur, développer les connaissances en apportant un réseau de mentors internationaux et financer les quelques projets sélectionnés.

Que pensez-vous des différentes dérives de l’inclusion financière ?

Il faut savoir qu’aujourd’hui, l’inclusion financière est désormais menée par des entreprises commerciales. Pour que celle-ci soit saine, il est primordial de lancer en même temps des programmes d’éducation financière et d’éducation digitale. C’est parfois compliqué ! Par exemple au Kenya, de nombreuses personnes ont pu avoir accès à des crédits mais sans éducation financière elles n’ont pas pu le rembourser dans de bonnes conditions.

Pour répondre à cette problématique, nous allons lancer un nouveau programme d’éducation digitale en juillet prochain en Ouganda. Le programme a pour but de passer de la finance digitale à l’économie digitale. Et pour cela, par exemple, il faut notamment changer le système éducatif en Ouganda pour que les enfants aient la connaissance digitale suffisante et nécessaire. Car si la technologie va très vite, les connaissances ne suivent pas toujours.

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Quels sont vos principaux défis dans la mise en place de votre programme de mobile money pour l’inclusion financière ?

Nous avons identifié plusieurs barrières contraignantes qui limitent l’accès aux services financiers via le téléphone :

  1. Avoir au téléphone : il faut au moins que, dans certains villages, les leaders aient un téléphone.

  2. Accès au réseau : nous travaillons avec MTN pour qu’ils étendent leur réseau

  3. Accès à l’électricité pour recharger le téléphone : nous travaillons avec des sociétés de panneaux solaires comme M-Kopa.

  4. Education digitale et éducation financière de la population

  5. Accès à un agent : ce sont eux les distributeurs des services financiers, il faut que toute personne puisse accéder à un agent MTN. C’est la que le maillage des agents est clé, nous demandons d’ailleurs au gouvernement de changer la réglementation pour autoriser la mise en place d’agents mobiles, capable de se déplacer d’un village à l’autre.

  6. Accès à des liquidités suffisantes pour l’agent : les clients doivent pouvoir retirer leur argent dès qu’ils le souhaitent pour ne pas rompre la confiance. C’est un défi logistique énorme !

  7. Étendre la chaîne de valeur aux exploitants : le coût lié au retrait d’argent peut rebuter certains professionnels, on doit donc prendre le temps de bien expliquer les avantages de ce type de paiement (paiement des frais scolaires, l’énergie solaire facilement, etc.)

 

A quels segments de la société vous adressez-vous en particulier ?

 

Nous réalisons un effort particulier dans les secteurs de l’éducation, de santé, d’énergie, d'agriculture, de transport et de finance. La population prioritaire pour nous sont les femmes, les jeunes, les réfugiés et les agriculteurs. Nous souhaitons renforcer leur capacité d’action en leur amenant les solutions de technologies digitales.

 

Selon vous, à quoi ressemblera l’Afrique dans 20 ans ?

 

L’Afrique est un continent avec un potentiel énorme, une population grandissante, mais aussi une corruption gigantesque. Il y a de l’argent qui est généré par le continent, et de plus en plus, mais il est mal utilisé. Lorsque l’on voit que l’Afrique compte les pays avec le plus de ressources naturelles, nous devrions être sur un continent riche depuis longtemps ! Tant que nous n’arrivons pas régler ce problème de corruption, la croissance ne pourra pas être saine.

 

Pour Mo Ibrahim, il faut donc aider les pays pas en fonction du taux de développement de celui-ci mais en fonction de la gouvernance du pays. Plus d’infos sur sa fondation ici : http://mo.ibrahim.foundation/

 

Quels sont les futurs projets pour l’UNCDF en Ouganda ?

Nous allons lancer un nouveau programme en juillet dans la continuité du programme actuel. Notre nouvelle stratégie est de faire de l’inclusive digital economies : proposer avec les entreprises privées des services du quotidien qui englobe des solutions financières, construire un véritable wallet de services pour la population.

Nous souhaitons aussi développer l’économie digitale en Ouganda en nous concentrant sur certains segments comme les femmes, les réfugiés et les agriculteurs. Par exemple, l’idée est de donner de l’argent aux réfugiés sur leur compte mobile money pour qu’ils puissent acheter leur nourriture directement et ainsi faire vivre l’économie locale (plutôt que d’importer des caisses de nourriture pour eux depuis un pays occidental).

Vous voulez en savoir plus ? Voici leur site internet : 

https://www.uncdf.org/

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