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Microfinance et fintech : en compétition ou complémentaires ?

ACCION est un acteur spécialisé dans l’inclusion financière. Initialement grand promoteur de la microfinance, ACCION s’intéresse désormais plus particulièrement aux opportunités en lien avec le digital.

 

Nous avons rencontré un de ses représentants en Amérique Latine à Bogota, avec qui nous avons échangé sur le rôle d’ACCION dans la microfinance. Nous avons également pu découvrir les démarches d’ACCION dans le secteur des fintech lors de notre séjour à Lima, grâce à Matthieu Albrieux, Investment officer en Amérique Latine. Secteur passionnant, en pleine évolution et avec des opportunités d’investissement énormes !

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Matthieu Albrieux, chargé d'investissement en Amérique Latine pour ACCION Venture Lab

ACCION est une organisation à but non lucratif, qui offre des services de gestion, de l'assistance technique, d’investissements en capitaux propres, ainsi que des formations, aux institutions et aux organisations qui soutiennent la microfinance. L'organisation met en avant le modèle commercial de la microfinance, dans lequel les institutions de microfinance poursuivent un double objectif, de succès aussi bien au niveau social que financier. ACCION travaille en lien avec 27 institutions de microfinance partenaires rien qu’en Amérique Latine. Il s’agit d’un des précurseurs de la microfinance avec la Grameen Bank.

Dans chaque pays où elle intervient, ACCION se met tout d’abord en quête d’un partenaire important (par exemple la Fondation Mario Santo Domingo cf. notre article sur le Centro Empresarial) qui possède un certain « pouvoir » dans le domaine financier, avec lequel elle s’associe. ACCION cherche avant tout à investir et promouvoir la microfinance, plutôt que contrôler ses partenaires.

Durant les années 2000, le modèle de la microfinance en Amérique latine était relativement bien implanté, et connaissait un certain succès, en ce qu’il représentait un modèle économique viable pour investisseurs et consommateurs.

Dès lors, le rôle d’ACCION International devenait dépassé ; cette impression était confortée par l'émergence des nouvelles technologies. En effet, ces dernières ont participé à la création de nouveaux outils, à l'accès à de nouveaux services, mais également d’une nouvelle façon de penser l’inclusion financière.

 

Les zones d’action devenaient désormais beaucoup plus larges, avec un panel d’outils beaucoup plus important. Il a donc fallu, pour ACCION, s’adapter à ces nouvelles tendances, et s’inclure plus directement dans ces évolutions. L’influence d’ACCION dans le domaine de l’inclusion sociale et financière est grandissante, et elle se donne le rôle de rester pionnière à ce niveau.

Initialement, l’investissement se faisait au travers du pole “Global Investment” qui incubait et finançait les banques de microfinance. Ce pôle existe toujours mais deux autres pôles ont été développés, toujours dans le domaine de l’inclusion financière :

  • ACCION VENTURE LAB qui cherche à appuyer des starts-ups fintechs s’attaquant à des segments défavorisé via des investissements early stage (environ $500,000) et un appui opérationnel ciblé. Dans le cadre de notre projet, nous avons et allons rencontrer différentes start-ups de leur portfolio, en Amérique Latine, comme en Afrique et en Inde. Pour en savoir plus sur Escala Educacion et TiendaPago, lire nos articles suivants : Escala - TiendaPago

  • ACCION FRONTIER INCLUSION FUND (avec Quona Capital), autre fonds de venture capital pour visant des startups plus matures : ticket d’entrée de $1-2 millions

 

Par exemple, au Mexique, ACCION Venture Lab a participé au développement de Clip, une start-up qui permet aux commerçants d’accepter les paiements en carte bleue sur le téléphones portables, grâce à un simple petit boitier connecté.

 

Dans les deux cas, l’approche est de répliquer la méthode du venture capital, particulièrement adapté pour financer l’innovation et son développement à grande échelle, au niveau de l’inclusion financière.

En Amérique Latine, 50% de la population n’a pas de compte bancaire. D’un autre côté, on compte 630 millions d’habitants dans la région et 400 millions de smartphones, pour un taux d’utilisation d’internet proche de 62% (moyenne mondiale : 50%). Source : Fintech Mag

 

En ce moment, ACCION Venture Lab gère un portefeuille de 40 investissements, qui englobe des start-ups aux projets vastes (crédit, épargne, e-wallet, néo-banques…). Nous allons d’ailleurs rencontrer d’autres fintech de leur portfolio lors de nos séjours au Chili, en Afrique du Sud et au Kenya !

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Pays où ACCION Venture Lab a investi 

Aujourd’hui, les institutions de microfinance ont clairement un besoin de se réinventer, et c’est pour cela qu’ACCION intervient. L’organisation se donne pour mission d’accompagner les institutions de microfinance dans ce sens, afin de les aider à se digitaliser pour améliorer leurs opérations.

Il ne s’agit pas de remplacer les institutions de microfinance par des fintech, car ces dernières s’attaquent généralement à une niche précise. Les institutions de microfinance ont plus de 30 ans d’expérience, et bénéficient d’une base de clients solide. L’idée est donc plutôt la transformation digitale totale de ces institutions, via une collaboration entre fintech et IMF.

 

Par exemple, TiendaPago (que nous avons rencontré, cf. article) veut commencer à se développer en Amérique Centrale mais pas directement. La start-up va donc établir des franchises avec des institutions de microfinance locales, qui connaissent la clientèle et possèdent d’ores et déjà une base client solide.

 

En outre, les institutions de microfinance ont l’avantage d’avoir un contact humain fort avec les entrepreneurs, que les fintech n’ont pas. Ces derniers ont donc tout intérêt à s’allier avec les IMF plutôt que de vouloir les remplacer.

 

Le marché de l’investissement dans les fintech fait “le buzz” actuellement. Les fonds d’investissement européens et américains sont très intéressés par le phénomène, et voient ce marche comme très porteur.

 

Par exemple en Afrique, ce ne sont pas ou peu les locaux qui investissent dans ces entreprises, mais uniquement les étrangers. A ce titre, l’Afrique est extrêmement bien avancée dans le thème du digital. Le Kenya en est le meilleur exemple. Un kenyan peut ouvrir un compte bancaire en quelques minutes, simplement en prenant sa carte d’identité en photo avec son téléphone portable. Les transferts d’argent se font avec une facilité déconcertante. Le digital facilite énormément le crédit. Par exemple, KONFIO a mis en place une application proposant un crédit 100% digital. Toutefois, il convient de relativiser le succès du digital : en effet, la monnaie reste avant tout basée sur la confianceAvoir confiance dans la monnaie, c’est avoir confiance dans l’institution qui la légitime » Michel AGLIETTA), et d’autant plus dans le monde rural. Un producteur agricole à la campagne aura toujours plus confiance s’il a un homme en face de lui que dans l’application qui lui proposera de l’argent.

 

En Amérique Latine, c’est un peu différent. Pendant longtemps, il n’y a quasiment pas eu d’innovation dans ce domaine, car la culture est plutôt averse au risque. Dans les pays tels que le Mexique, le Chili, ou encore la Colombie, les entreprises sont pour beaucoup de grands conglomérats, créés dans les années 50, durant une période de “vague entrepreneuriale”, qui s’est arrêtée dans les années 80. Aujourd’hui cependant, ce mythe du “grand-père” entrepreneur reprend. En effet, l’environnement (politique, économique…) est désormais beaucoup moins dangereux, beaucoup d’entrepreneurs répliquent des modèles qui ont déjà fait leurs preuves en Europe par exemple. Et enfin, de plus en plus d’entrepreneurs étrangers viennent s’installer, notamment en Colombie et au Mexique.

On assiste désormais à un mélange d’innovation locale et étrangère qui s’autonourrit.

 

Néanmoins, des difficultés persistent :

  • Un problème majeur est l’approche de beaucoup d’entrepreneurs sur la vision de leur potentiel marché et de leurs consommateurs. En effet, l’Amérique Latine est une région très divisée en termes de richesse. Le piège dans lequel beaucoup d’entrepreneurs tombe est que, ces derniers étant plus “aisés”, ils tentent de lancer des projets et entreprises pour résoudre un de leur problème, mais ce dernier ne touche en réalité qu’une très petite partie de la population. Il existe donc une véritable mauvaise appréciation de la réalité. Par exemple, il y a quelques années, certains entrepreneurs développaient une application uniquement sur iPhone, sans se rendre compte que cela ne correspondait pas à la réalité des smartphones.

  • Des obstacles structurels rendent également difficile cet élan entrepreneurial : en effet, la collaboration avec des acteurs qui pourraient permettre à une start-up d’atteindre une taille critique (gouvernement, banques…) se met encore difficilement en place

Le rôle d’ACCION International ne se limite pas à l’investissement. Son rôle dans l’inclusion financière se traduit également à travers :

  • Global Advisory Solutions, sa branche de conseil » qui aide les acteurs traditionnels et en particulier banques, assureurs, et institutions de microfinance à se digitaliser pour mieux capturer les segments les moins bien desservis.

  • CFI (Center for Financial Inclusion), un think tank pour l’inclusion financière, qui traite de problématique en lien avec la digitalisation des processus financiers (enjeux, risques). Par exemple, il existe aujourd’hui un grand risque pour les consommateurs sur la sécurité des données détenues par les fintech. En effet, ce sont des données, bien que très confidentielles et potentiellement nuisibles, très faciles à hacker. Un nombre important de fintech ne seraient ainsi pas aux normes de sécurité, générant alors un risque non négligeable pour les consommateurs. Pour en savoir plus, nous vous invitons à lire l’étude réalisée par le CFI : « Digital Finance and Data Security ».

Pour en savoir davantage sur ACCION Venture Lab, n'hésitez pas à faire un tour sur leur site !

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