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Microfinance
Bilan de nos interviews en Amérique Latine

La microfinance a connu un franc succès en Amérique Latine. C’est d’ailleurs le continent sur lequel elle s’est le plus développé.

La microfinance, en tant que secteur mature dans le domaine de l'investissement d'impact, sert souvent de point de référence pour le reste de l'industrie. 9% des financements mondiaux en microfinance sont tournés vers l’Amérique Latine. Le Pérou et l’Equateur se positionnent dans le top 10 des pays bénéficiaires.

Pour rappel, qu’est-ce que la microfinance ?

La microfinance est le moyen de mettre des systèmes financiers au service des pauvres n’ayant pas accès aux institutions financières classiques. Les pauvres constituent la vaste majorité de la population dans la plupart des pays en développement. Or un nombre considérable d’entre eux n’ont toujours pas accès à des services financiers de base. Les pauvres ont besoin de toute une gamme de services financiers et non pas seulement de prêts. Selon la situation dans laquelle ils se trouvent, les pauvres peuvent avoir besoin non seulement de crédits, mais aussi d’instruments d’épargne, de services de transfert de fonds et d’assurances. La microfinance est un instrument puissant de lutte contre la pauvreté. L’accès à des services financiers viables permet aux pauvres d’accroître leurs revenus, de se doter d’actifs et de se protéger dans une certaine mesure des chocs extérieurs. La microfinance permet aux ménages pauvres de ne plus avoir à lutter au quotidien pour simplement survivre mais de faire des plans pour l’avenir et d’investir afin d’améliorer leur nutrition, leurs conditions de vie, et la santé et l’éducation de leurs enfants.  Source : GGAP

 

Nous avons pu rencontrer différentes institutions de microfinance grâce à notre partenaire Babyloan et avons pu échanger avec elle sur la situation de l’inclusion financière en Amérique Latine, le rôle de la microfinance et l’avenir de cette dernière face à la montée des nouvelles technologies. Petit bilan de ce qu’on a appris !

N.B. Ce bilan n’a pas vocation à être exhaustif, mais simplement à retracer nos conclusions suite aux différents entretiens que nous avons eu en Amérique Latine.

 

Le rôle de la microfinance en Amérique Latine

Au-delà de l’impact sur les clients, observe-t-on un impact plus global de la microfinance sur le développement d’une région, d’un pays ? La microfinance favorise la bancarisation de la population et l’on estime que les IMF représentent jusqu’à 5% de la collecte d’épargne et 10% du crédit à l’économie dans certains pays. Dans ces conditions, il est clair que la microfinance contribue significativement, à son échelle, au financement de l’économie. Pour autant, il est très difficile de démontrer de façon rigoureuse un impact à un niveau large, sur la croissance économique ou sur la réduction du taux de pauvreté d’un pays. L’absence de démonstration tient d’une part à des obstacles méthodologiques : les méthodes statistiques de mesure d’impact sont difficilement applicables au niveau macroéconomique. D’autre part, la microfinance n’est pas un remède universel : elle ne peut résoudre les problèmes d’accès aux soins ou à l’éducation des populations, ni apporter à elle seule une réponse à la question du développement. Cette question est en effet tributaire aussi des politiques publiques, du progrès des libertés, de l’équité des règles du commerce mondial, etc. Source : Baromètre de la microfinance 2010

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L’accès des 450 à 500 millions de petits agriculteurs dans le monde à des services financiers adaptés est une condition essentielle pour l’atteinte de l’Objectif de Développement Durable numéro 2 : éliminer la faim et assurer la sécurité alimentaire. Si le microcrédit, pris isolément, a montré ses limites dans le financement de l’agriculture, la microassurance agricole des récoltes et du bétail est appelée à jouer un rôle croissant de protection des exploitations familiales contre les risques naturels, et d’incitation à produire davantage. (Source : Baromètre de la microfinance 2016). Nous avons ainsi rencontré Développement International Desjardins, qui a mis en place le programme PASAC à ce sujet en Colombie. Ce projet vise à réduire la pauvreté en milieu rural et à promouvoir le développement économique durable dans les milieux ruraux de Colombie. Plus précisément, il contribue au développement du secteur agricole colombien en facilitant l'accès des agriculteurs et agricultrices à trois leviers indispensables à l’accroissement de leur productivité : l’éducation financière, le financement et l’assurance. Voir notre article ici

De même, suite à l’établissement des Objectifs de Développement Durable par les Nations Unies, la microfinance a souhaité se mettre à jour. En effet, la région Amérique latine et Caraïbes (ALC) est de plus en plus affectée par le changement climatique, avec des sécheresses, des inondations et des tempêtes ayant touché 98,2 millions de personnes entre 2001 et 2015. L’impact du changement climatique est exacerbé par les taux élevés de déforestation et l’utilisation non durable des terres, qui figurent également parmi les principales sources d’émission de gaz à effet de serre dans la région. 23 millions de personnes n’ont pas accès à l’électricité et 68 millions de personnes dépendent de l’utilisation de la biomasse traditionnelle qui, en plus d’être mauvaise pour la santé et chère, favorise la déforestation. Source : Baromètre de la microfinance 2016

Nous même, durant nos randonnées en Patagonie, ou dans différents endroits d’Amérique Latine, avons remarqué ces changements. Nous avons beaucoup discuté avec des locaux qui nous hébergeaient et ces dernières années, le continent a connu des changements radicaux, qui affectent énormément l’économie des pays. Les glaciers de Patagonie fondent à la vitesse de l’éclair, le trou dans la couche d’ozone situé au-dessus du sud du continent modifie sans cesse les conditions climatiques. Malgré tout, le changement des comportements nécessite une éducation des populations. Ainsi de nombreuses IMF promeuvent des méthodes plus durables. Nous avons par exemple rencontré FONDESURCO au Pérou, qui a créé FONDENERGIA, une entité qui offre aux foyers péruviens la possibilité d’acheter un chauffe-eau solaire. Les populations ont ainsi accès à l’eau chaude, en utilisant l’énergie solaire, renouvelable et gratuite !

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Quels sont les défis rencontrés par les institutions de microfinance ?

La gestion quotidienne de leur offre de microcrédit, le fait de s’adapter à chacun des besoins des clients, s’assurer de leur solvabilité, s’adapter aux nouvelles régulations, etc. sont les principales difficultés rencontrées par les IMF. En réalité, aujourd’hui le secteur est assez atomisé, et elles manquent donc parfois d’une ligne de gouvernance commune, indique notre interlocuteur d’EDAPROSPO, une IMF péruvienne (cf. notre article).

En outre, elles doivent faire face à la montée d’autres institutions financières, qui prêtent « sans faire attention » et conduisent à un surendettement des populations pauvres. Par exemple, l’IMF FONDESURCO intervient dans des zones où aucune institution financière n’est implantée. Ils parviennent généralement à établir un marché conséquent, ce qui attire d’autres institutions financières. Le problème, c’est que celles-ci ne prennent souvent pas le temps d’adapter leurs produits traditionnels à la population locale, et cette dernière se retrouve face à des coûts financiers qu’elle ne peut supporter. (cf. notre vidéo sur FONDESURCO) L’éducation financière est pour cela un de leurs enjeux majeurs.

 

Quelles évolutions pour le secteur de la microfinance en Amérique Latine ?

Celui-ci a déjà beaucoup évolué. Au début des années 1990, au Pérou, la population a fait face à une crise économique et politique très importante : forte inflation, baisse de la croissance, cas de corruption, violences, etc. Face à la crise de nombreuses coopératives se sont auto-liquidées et les soutiens de l’Etat se sont également réduits. Ainsi, les institutions de microfinance n’avaient plus les ressources nécessaires pour atteindre les classes moyennes et pauvres.

Aujourd’hui, toute cette situation a beaucoup évolué ! Le nombre d’acteurs dans le secteur de la microfinance a augmenté largement, les institutions se sont régularisées et disposent de fonds important. Leur champs d’action est donc vaste aujourd’hui au Pérou. Mais également, les péruviens souhaitent de plus en plus entreprendre et se tournent donc souvent naturellement vers les services des institutions de microfinance. Le secteur semble aujourd’hui particulièrement viable et stable.

Les IMF les plus matures sont souvent en Amérique Latine, cela fait des années qu’elles ont développé leurs produits (15-20 ans), elles se sont régularisées et elles captent de plus en plus d’épargne ce qui est un signe de maturité également.

Enfin, le dernier phénomène que nous pouvons relever est l’augmentation du nombre de fusions & d’acquisitions d’IMF de taille moyenne et grande. En Bolivie par exemple la banque Mercantil Santa Cruz a fusionné avec Los Andes. Ainsi, ces IMF peuvent s’« upgrader » et proposer des produits et services auprès des classes moyennes et supérieurs, elles rentrent en compétition avec des banques traditionnelles.

Si la microfinance est aujourd’hui bien développée, elle peut être vue comme « passée de mode ». Les acteurs doivent désormais s’intéresser à d’autres thèmes liés, à des outils plus modernes. A ce niveau, l’Afrique est bien plus avancée, notamment dans le thème du digital. Le Kenya en est le meilleur exemple. Un kenyan peut ouvrir un compte bancaire en quelques minutes, simplement en prenant sa carte d’identité en photo avec son téléphone portable. Les transferts d’argent se font avec une facilité déconcertante. Le digital facilite énormément le crédit. Par exemple, KONFIO a mis en place une application proposant un crédit 100% digital.

Les institutions de microfinance doivent désormais travailler main dans la main avec les nouvelles technologies. Par exemple, ces dernières peuvent faciliter l’octroi rapide de crédit, surtout pour les gens qui remplissent déjà des critères. Beaucoup plus facile que d’aller au village, dépendre d’une agence etc. ! Mais cela reste limité, car même si beaucoup de gens ont des smartphones, ils dépendent de la couverture satellite, qui n’est pas aussi répandue.

FONDESURCO travaille déjà avec Telefonica, qui utilisent les nouvelles technologies mobiles, afin de mettre en place un outil de mobile money, à l’image de ce qui se fait en Afrique.

Toutefois, il convient de relativiser le succès du digital : en effet, la monnaie reste avant tout basée sur la confiance (« Avoir confiance dans la monnaie, c’est avoir confiance dans l’institution qui la légitime » Michel AGLIETTA), et d’autant plus dans le monde rural. Un producteur agricole à la campagne aura toujours plus confiance s’il a un homme en face de lui que dans l’application qui lui proposera de l’argent.

CONCLUSION

Aujourd’hui, les institutions de microfinance ont clairement un besoin de se réinventer, se digitaliser pour améliorer leurs opérations.

Il ne s’agit pas de remplacer les institutions de microfinance par des fintech, car ces dernières s’attaquent généralement à une niche précise. Les institutions de microfinance ont plus de 30 ans d’expérience, et bénéficient d’une base de clients solide. L’idée est donc plutôt la transformation digitale de ces institutions, via une collaboration entre fintech et IMF.

 

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Muhammad Yunus, fondateur de la Grameen Bank et prix Nobel de la Paix :

« Changeons la loi, créons la loi, pour que des ONG de microfinance puissent devenir des banques de microfinance et lutter contre ces problèmes. Il existe déjà plusieurs banques dans la microfinance comme la Grameen Bank, qui s’attaque à de nombreux aspects de la marginalisation dont nous avons souffert. Elle fournit non seulement des prêts mais aussi des services d’épargne, d’assurance, de retraite et des prêts étudiants. Fournissez tous les services et ne vous contentez pas d’en proposer un ou deux. Nous n’avons pas encore réussi. C’est là toute l’importance de la technologie, de la jeunesse et des entreprises sociales ; toutes ces choses doivent être fusionnées pour que nous avancions. »

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