Fintech
Bilan de nos interviews en Amérique Latine
Si nous avons découvert que la microfinance est très ancrée en Amérique Latine, nous avons malgré tout pu rencontrer différentes fintechs, qui témoignent de l’évolution du secteur de l’inclusion financière avec les nouvelles technologies.
Essentiellement en Colombie et au Pérou, nous avons pu découvrir des start-ups qui participent à l’inclusion financière des populations.
Mais tout d’abord, qu’est-ce qu’une fintech ?
L’expression FinTech combine les termes « finance » et « technologie » : elle désigne une start-up innovante qui utilise la technologie pour repenser les services financiers et bancaires.
Suite à la crise économique de 2008, de nombreux banquiers et traders ont quitté les grands centres financiers de la planète et se sont lancés dans des aventures entrepreneuriales pour repenser le modèle de la finance grâce à l’innovation technologique.
En Amérique Latine, 50% de la population n’a pas de compte bancaire. D’un autre côté, on compte 630 millions d’habitants dans la région et 400 millions de smartphones, pour un taux d’utilisation d’internet proche de 62% (moyenne mondiale : 50%). Source : Fintech Mag

Constat en Amérique Latine et émergence des fintechs
En général, le crédit à la consommation est presque impossible à obtenir pour de nombreux résidents d'Amérique latine : près de la moitié de la population latino-américaine n'est pas bancarisée, et seulement 113 millions de personnes dans la région sur une population totale de 625 millions auraient une carte de crédit. De plus, bon nombre de ces cartes de crédit ne peuvent être utilisées qu'à l'échelle nationale, ce qui signifie qu'une partie très importante de ces 113 millions n'a peut-être toujours pas accès au marché mondial.
De nombreuses startups fintech ont pris conscience de ce besoin d'atteindre la population non bancarisée, en recueillant des millions de dollars d'investissements récents pour les aider à créer leurs propres banques numériques, ou néobanques, afin d’aider les consommateurs latino-américains à obtenir du crédit et à accéder à l'économie internationale.
Le crédit fintech, source de financement alternative pour les entreprises et les ménages, pourrait améliorer l’accès au crédit de certains segments mal desservis. Il pourrait en outre renforcer l’efficacité de l’intermédiation financière.
Les frustrations relatives aux services financiers restent vives dans la région, et corrélativement, les opportunités visant à créer de nouvelles solutions sont nombreuses. Après le Brésil, le deuxième pays dynamique dans le secteur de la fintech est le Mexique avec d’après Finnovista. En dépit d’une population moins importante, des pays comme la Colombie (42 M) et le Chili (17 M) commencent d’ores et déjà à structurer leur écosystème de fintechs. C’est dans ces pays que nous avons d’ailleurs rencontré de nombreux exemples à succès de fintech.
Certaines d’entre elles ont mis en place des programmes d’accélérations, d’autres ont construit des espaces de coworking pour apprendre à travailler ensemble ou ont créé des corporate ventures pour pouvoir investir dans les fintechs.
La Asociación Española de Fintech e Insurtech (AEFI), Colombia Fintech, Fintech Mexico, Camara Uruguaya de Fintech, Fintech Central America y Caribe, Fintech Peru et Fintech Panama se sont réunis pour créer l’Alliance des Fintechs de l’IberoAmérique. Son objectif ? S’appuyer réciproquement dans la croissance du secteur, faire connaître ce marché, chercher une régulation unique et appeler des investisseurs au niveau régional. Ils vont travailler ensemble sur plusieurs aspects comme un comité de régulation internationale, un forum de connaissance horizontale pour le développement avec des meilleures pratiques et un code d’éthique de bonne gouvernance. Toutes ces mesures auront comme guide l’inclusion financière et la protection du consommateur.
Ces initiatives marquent la volonté des pays de l’Amérique Latine de voir croître le secteur des Fintechs d’une façon unie et homogène.
Les données sont la pierre d’angle des Fintech ; leur quantité, leur accessibilité et la possibilité de les analyser et de les exploiter rapidement évoluent plus vite que la capacité des modèles établis à s’adapter. Mais c’est également un enjeu de sécurité majeur : mal utilisées, ces données pourraient plus pénaliser qu’aider.


Les fintech en soutien à d’autres domaines que le crédit. Exemple de l’éducation
Dans le secteur de l'éducation, les paiements mobiles et la finance numérique transforment la façon dont les gens paient et sécurisent l'accès à l'éducation de leurs enfants. Par exemple, le mobile money permet aux parents de payer plus facilement les frais de scolarité et d'accéder et de payer les cours d'apprentissage numérique ; il aide les écoles à mieux gérer leurs finances, à payer les frais de scolarité à temps, à tenir à jour les dossiers et à payer les salaires des enseignants ; et il aide les gouvernements à faire fonctionner le système éducatif en payant efficacement les salaires des professeurs partout dans le pays. De plus, les fournisseurs de services financiers commencent à offrir une gamme de produits d'épargne et de prêts numériques qui aident les familles à gérer le coût des études. Ensemble, ces innovations peuvent jouer un rôle important dans le maintien d'un plus grand nombre d'enfants à l'école et dans la réalisation de l'objectif de développement durable en matière d'éducation.
Dans ce sens, nous avons rencontré Escala Educacion à Medellin (Colombie), une fintech dont l’objectif est d’accompagner les familles dans l’épargne, afin d’envoyer leurs enfants à l’école ou à l’université : “Nous avons développé des programmes d’accompagnement ponctuel d’éducation financière au sein de foyers afin de les aider à économiser pour payer les études de leurs enfants. Nous nous adaptons aux ressources de chaque famille et nous leur apprenons à organiser leurs finances et à anticiper leurs frais afin de dégager des économies pour l’université. Nous leur montrons l’importance de l’éducation comme levier d’ascension sociale.”
Les avantages des fintechs
Les services monétaires mobiles peuvent non seulement donner accès à un compte financier officiel, mais aussi, à plus long terme, générer des empreintes transactionnelles qui établissent un profil de crédit pour le client rural. En Colombie, depuis l'adoption de la loi sur l'inclusion financière qui permet aux non-banques d'émettre de l'argent mobile, on constate un intérêt croissant pour le segment rural.
Comme dans d'autres parties du monde, on note en Amérique latine un nombre croissant d'acteurs FinTech utiliser des outils numériques pour permettre aux agriculteurs d'accéder au crédit. Par exemple, des entreprises de technologie agricole comme BanQu utilisent une chaîne de blocs pour construire l'identité économique d'un agriculteur grâce à l'identité et à des données transactionnelles qui peuvent appuyer le profilage du crédit. En Amérique latine, la BanQu pilote actuellement une initiative de cartographie des petites parcelles de terre à l'intention des agricultrices
Nous avons rencontré TiendaPago au Pérou, une fintech qui se veut être une véritable alternative à la banque, et une alliée des entrepreneurs dans leur recherche de financement.
TiendaPago a développé un système de paiement via téléphone portable, qui permet aux entreprises de distribution (type Coca Cola) de collecter électroniquement les paiements, réduisant ainsi les coûts et l’inefficacité associés.
La start-up fournit un fonds de roulement d’une ou deux semaines (très court terme) aux petits commerçants pour financer l’achat de leurs produits auprès de distributeurs de grande consommation, partenaires de TiendaPago, et ce par le biais d’une plateforme mobile. Cette plateforme prend la forme d’une application mobile très simple d’utilisation, et les utilisateurs ont également accès à un service très performant via WhatsApp. Ils peuvent ainsi savoir en quelques minutes où en est leur ligne de crédit, demander à l’augmenter, solliciter des conseils… C’est d’ailleurs via SMS ou WhatsApp que TiendaPago tente d’atteindre de plus en plus de clients. L’idée est de donner au client ce dont il a besoin du bout de ses doigts : suivre ses dépenses, ses échéances...
CONCLUSION
Les fintech étaient le premier secteur d'investissement en capital-risque en Amérique latine l'an dernier, et il n'y a aucun signe de ralentissement pour l'instant. Ils apportent des solutions intelligentes pour aider à atteindre la population non bancarisée, ouvrant l'accès au commerce électronique mondial et créant progressivement un système financier plus inclusif pour les résidents.
Ce qu’il ressort de nos entretiens avec ACCION International c’est qu’aujourd’hui, les institutions de microfinance ont clairement un besoin de se réinventer (voir notre échange avec ACCION International sur le sujet). Au cours des deux dernières années, l'Amérique latine a connu une émergence rapide de ces nouvelles sociétés financières basées sur des plates-formes technologiques, les Fintech, indiquant ainsi un gros changement sur les marchés financiers.
Il ne s’agit pas de remplacer les institutions de microfinance par des fintech, car ces dernières s’attaquent généralement à une niche précise. Les institutions de microfinance ont plus de 30 ans d’expérience, et bénéficient d’une base de clients solide. En outre, les IMF sont symbole de confiance pour les individus exclus du système bancaire traditionnel, indique notre interlocuteur d’EDAPROSPO (cf. Article). L’idée est donc plutôt la transformation digitale totale de ces institutions, via une collaboration entre fintech et IMF.
Aujourd'hui, les gens ont besoin d'un système bancaire, et pas nécessairement d'une banque.
On vous invite par ailleurs à regarder cette courte mais intéressante vidéo TEDx sur les fintech :